L’année blanche, ce n’est pas fini !

Déc 4, 2020 | #Expertise comptable, #LMNP

Nous le savons tous, le prélèvement à la source de l’impôt sur les revenus a été mis en place début 2019. L’objectif de cette réforme était d’essayer de faire coïncider le paiement de l’impôt avec l’encaissement des revenus. Ainsi, tout au long de l’année 2019, nous avons payé les impôts relatifs aux revenus 2019. Sans cette réforme nous aurions payé au cours de cette année, ceux relatifs aux revenus 2018. Le décalage d’un an a donc été quasiment supprimé.

Pourquoi l’année blanche ?

Parce que si le législateur n’avait pas aménagé cette année 2018, nous nous serions retrouvés à payer en 2019 à la fois les impôts calculés sur les revenus de 2018 et ceux calculés sur les revenus 2019. Nous imaginons alors l’ampleur de la contestation qui aurait pu se produire devant une telle situation.

Alors, le législateur a décidé de supprimer l’impôt sur les revenus 2018. Techniquement, il l’a fait par la création du Crédit d’Impôt pour la Modernisation du Recouvrement de l’impôt (CIMR). Nous avons donc dû déclarer nos revenus 2018, presque comme d’habitude, puis, notre avis d’imposition a fait apparaître le CIMR qui est venu gommer, en tout ou partie, l’impôt sur les revenus 2018.

Bon nombre de contribuables se sont alors dit qu’il y avait moyen d’optimiser en essayant de gonfler les revenus de 2018 puisque ceux-ci n’allaient pas être imposés – Gonfler les revenus par des méthodes plus ou moins légales telles que l’utilisation d’artifices comptables, de décalages de facturation, de gonflement du stock… que sais-je encore. Mais notre bon législateur, tout malin qu’il est, a mis en place tout une série de mesures afin d’éviter à certains contribuables de profiter de cette année « blanche » pour optimiser en se versant des sommes importantes en 2018 permettant de passer au travers de l’impôt. Loin de moi l’idée de balayer toutes ces mesures, ce serait beaucoup trop long et fastidieux. Celles qui m’intéressent sont celles qui concernent les loueurs en meublé ainsi que le principe qui a guidé le législateur.

Le principe est le suivant : pas d’impôt sur les revenus « normaux » de 2018, mais une imposition pour les revenus qui sont qualifiés d’exceptionnels. Il a alors essayé de définir ledit revenu exceptionnel.

L’année blanche appliquée aux loueurs en meublé

Pour les loueurs en meublé, comme pour les commerçants, artisans et professions libérales, le plus simple était de comparer les revenus de 2018 aux revenus des trois années passées, à savoir 2015 à 2017. Ainsi le législateur a édicté la règle suivante : dès lors que le bénéfice de l’année 2018 ne dépassait pas le plus fort des revenus constatés lors des années 2015 à 2017, à durée d’exercice équivalent bien sûr, il n’y avait pas de revenu exceptionnel pour 2018 et donc pas d’imposition. En revanche, le supplément de bénéfice 2018 par rapport au plus fort bénéfice des années 2015 à 2017 devait être considéré comme exceptionnel et générer un impôt à payer au titre de 2018.

Le plus fort bénéfice entre 2015, 2016 et 2017 correspond à celui de l’année 2016, soit 5 000 €. C’est celui qui va servir de référence pour la détermination du revenu exceptionnel dégagé en 2018. Le bénéfice de 2018 s’élevant à 6 000 €, les 1 000 € de différence ont généré un impôt en 2018, par le biais d’un CIMR calculé uniquement sur 5 000 €. Voilà pourquoi pour la déclaration des revenus 2018, il y avait lieu de rappeler à l’administration fiscale les bénéfices dégagés au titre des années 2015 à 2017 en les inscrivant sur la 2042 C PRO ou en les déclarant au bon endroit en cas de télé-déclaration. Normalement ces données étaient déjà préremplies. Si vous ne l’avez pas fait, ou si le pré-remplissage était erroné, le CIMR pourra avoir été mal calculé et probablement avez-vous payé un impôt trop élevé au titre de 2018. Rappelons que nous avons jusqu’au 31/12/N+3 pour modifier notre impôt N+1 sur les revenus N, soit jusqu’au 31/12/2021 pour modifier l’impôt 2019 sur les revenus 2018. Voilà pour ce qui est du principe. Tout cela n’est pas farfelu et plutôt logique voire juste. Bien qu’un peu complexe, « ça tient la route » tout de même.

Alors pourquoi « ce n’est pas fini ! » ?

Parce que si l’on ne s’en tenait qu’à cela, les activités en croissance seraient pénalisées. Peut-être que les 6 000 € de résultats dégagés en 2018 sont « normaux » parce que l’activité croit naturellement. Pourquoi ne se baser que sur le passé, sans prendre en compte l’avenir ? Le législateur s’est aussi posé cette question ! Afin d’être le plus juste possible, il a alors décidé que le résultat 2019 devait également être pris en compte pour qualifier la part de résultat exceptionnel de 2018.
Reprenons notre exemple, et imaginons un résultat 2019 de 6 500 €. Alors, le CIMR devrait être revu à la hausse et l’impôt sur les revenus 2018 révisé à la baisse. Les 6 000 € de résultats 2018 sont qualifiés rétroactivement de normaux et non plus d’exceptionnels du fait de l’existence du résultat 2019. Toujours dans notre exemple, si le résultat 2019 s’élève à 5 800 € , il doit également y avoir une révision à la hausse du CIMR et une baisse de l’impôt sur les revenus 2018. En effet, sur les 1 000 € de résultat exceptionnel, 800 sont requalifiés rétroactivement de normaux et 200 restent en exceptionnel. L’an dernier l’administration fiscale a prévenu que cette régularisation du CIMR ne se ferait pas automatiquement et qu’il faudrait agir par le biais d’une réclamation. Il semblerait que le logiciel de calcul de l’impôt 2019 ait depuis été mis à jour de cette spécificité.

Soyons cependant vigilants, et contrôlons les avis d’imposition reçus au cours de l’été pour voir si la règle a été correctement appliquée. Et n’hésitons pas à agir par voie de réclamation ou par une correction sur nos espaces particuliers, surtout pour l’impôt sur les revenus 2018 et 2019.

Un article rédigé par Expertim

L’expertise comptable spécialisée en Location Meublée avec une dimension fiscale et sociale.

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