Crise économique, un jour sans fin…

Nov 18, 2020 | #Consult&moi n°1, #Économie, #Tendances

La crise sanitaire du printemps 2020 restera dans l’Histoire pour son triste bilan humain mais aussi pour le confinement généralisé de l’économie mondiale qui en est résulté. Jamais encore dans le passé, même lointain, l’ensemble des pays développés ne s’était trouvé dans l’obligation d’un arrêt total de toute activité, entraînant des effondrements de croissance sans précédent. Même les références à la guerre, image utilisée par plusieurs responsables politiques internationaux, ne semblent pas convenir. L’appareil productif en cas de conflit, voit sa finalité tendue vers l’effort militaire, mais il ne s’interrompt pas.

Crise covid149 : une occasion historique de se réinventer

C’est donc une crise inédite qui déferle sur le monde, une crise pour laquelle personne, à quelque niveau de responsabilité que ce soit, ne dispose de repère ou d’antécédent. Pour les responsables de tous ordres, il s’agit de composer, d’inventer, de faire preuve sans cesse d’agilité.

Au moment de dessiner les grandes tendances futures, la prudence reste de mise. Les impondérables demeurent encore nombreux. Le premier est évidemment la possibilité de résurgence du virus avant la découverte d’un vaccin ou d’une thérapie, qui permettraient de régler définitivement le problème. Mais d’autres inconnus entrent en ligne de compte lorsqu’il faudrait proposer des projections de conjoncture, à court, moyen et long terme. Le mot projection est d’ailleurs préféré par les grands organismes d’analyse économique à celui de prévision, tant la situation est considérée comme impossible à modéliser selon les formules habituelles.

Ainsi, le Covid et la violente crise économique qui l’accompagne ont bouleversé aussi les relations internationales au point d’ajouter aux risques pesant sur l’économie mondiale, des tensions géopolitiques qui pourraient se faire jour en plusieurs endroits sensibles de la planète. On pense au Proche Orient, au pourtour méditerranéen mais aussi à Hong Kong, à Taiwan et à plusieurs points chauds asiatiques.

Covid19 : les principales phases de cette crise majeure

Si comme on peut l’espérer, ces types d’événements négatifs ne se produisent pas, le calendrier de la crise peut être résumé autour des phases suivantes : la phase 1, arrêt total et inédit de l’économie ; phase 2, déconfinement, reprise progressive avec une forte assistance étatique ; phase 3, retour à la normale, suppression des aides et montée des conséquences de baisse d’activité, avec faillites d’entreprises et chômage ; phase 4, reprise très forte, avec des taux de croissance quasiment jamais vus à l’échelle planétaire.

Phase 1 : arrêt total de l’économie

La phase 1, celle du printemps, a donné lieu à des interventions monétaires sans précédent. Pour éviter l’effondrement total des capacités de production, les banques centrales et les pouvoirs politiques ont créé des masses de liquidité, fournies sans limite aux acteurs économiques. Cette action nécessaire et temporaire a pu d’ailleurs donner l’illusion d’une réserve mobilisable. Il n’en était rien. Ces outils n’avaient d’autre fondement que répondre à l’urgence absolue d’une situation sans équivalent. Ensuite, il s’agira de réguler ces dettes et monnaies « artificielles », c’est-à-dire de les remettre en phase avec la création réelle de richesse. Il n’est possible d’envisager ce progressif retour à la normale, dès lors que le déconfinement des populations commence.

Phase 2 : déconfinement

À la fin mai, l’Europe est justement entrée dans cette phase 2, tout en conservant certains secteurs en phase 1. Cette situation mitigée est notamment celle des trois grands pays du sud du Rhin, Italie, Espagne et France. Ces trois pays ont une part importante de leur PIB liée au tourisme en direct, et à toutes les activités qui s’y relient indirectement comme l’aéronautique, les compagnies aériennes, les transports en général. Au début de l’été 2020, un certain nombre d’entreprises sont encore à l’arrêt complet en raison de l’absence totale de clientèle dans des grands sites touristiques, alors qu’officiellement la liberté de circulation redevient la règle. Par conséquent, pour les entreprises concernées, la phase 2 interviendra plus tard et pourra s’étendre plus longtemps.

Phase 3 : Retour à la normale

Globalement, on peut considérer que la phase 3, la plus compliquée économiquement, socialement, politiquement, sera le lot de la plupart des grands pays à l’automne et pendant le début de l’hiver. Le temps paraîtra interminable aux agents économiques, salariés comme entreprises, patrons comme syndicats, grands groupes comme PME, confrontés aux prolongements de crise sans que puissent perdurer les aides publiques. 

Il sera en effet indispensable pendant cette période de retrouver le mode normal de fonctionnement de l’économie sans fausser la concurrence en particulier dans les échanges internationaux. Les entreprises doivent donc se préparer à cette phase 3. Elle est difficile à anticiper quand les interventions des banques centrales maintiennent temporairement une euphorie artificielle. Le but sera de tenir, et d’ores et déjà de se prémunir contre les pénuries de liquidités qui ici ou là pourraient survenir. Sur ce plan et pour la quasi-totalité des secteurs d’activité, le début de l’hiver sera rude mais il faut le souligner, pas interminable.

Phase 4 : reprise très forte

La reprise, cette phase 4 tant attendue, sera très puissante. Les taux de croissance attendus pour 2021 et 2022 seront exceptionnels. Il sera capital d’accrocher le train de la relance tant son accélération sera spectaculaire. Le dynamisme sera d’abord asiatique, ce qui n’est pas une nouveauté, et de nombreux pays du nord de l’Europe fourbissent leurs plans pour être au rendez-vous de cette demande qui ne tolérera pas d’atermoiement. Les crises et les périodes euphoriques qui leur succèdent sont souvent des moments clefs de redistribution des cartes de la concurrence. Il y a ceux qui peuvent suivre et ceux qui sont distancés. En l’occurrence, à cette récupération de la croissance perdue, s’ajoutera sans aucun doute l’amplification des changements du modèle économique. Croissance oui, mais croissance différente, obligeant à s’adapter pour se trouver en phase avec les attentes nouvelles des consommateurs partout dans le monde.

Pourvu de passer sans encombre le tangage des mois à venir, les perspectives qui se dessinent sont donc passionnantes. Pour les saisir, le défi des entreprises sera donc de démontrer à la fois des capacités de résilience et de réinvention. Le nouveau monde est à ce prix.

Cet article vous est proposé par Philippe Dessertine

Économiste et Directeur de l’Institut de Haute Finance

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